"Les nombres premiers ne sont divisibles que par 1 et par eux-mêmes."
"Les mathématiciens les appellent premiers jumeaux: ce sont des couples de nombres premiers voisins, ou plutôt presque voisins, car il y a toujours entre eux un nombre pair qui les empêche de se toucher vraiment. Des nombres tels que le 11 et le 13, tels que le 17 et le 19, le 41 et le 43. Si on a la patience de continuer, on découvre que ces couples se raréfient progressivement...Mais au moment où l'on s'apprête à baisser les bras, découragé, on déniche deux autres jumeaux, serrés l'un contre l'autre..."
Même si j'avais eu un prof de maths qui ressemble à l'auteur, physicien de surcroît, je n'aurais pas mieux compris car la bosse des maths m'est aussi éloignée qu'un tatouage de Dita Von Teese sans soutif sur la fesse droite de Benoît 16:
On est plus proche de Jude Law que de ces autres confrères physiciens:
Bref...
Alice et Mattia sont ces nombres premiers. Alice et Mattia et leurs blessures silencieuses, leur parallélisme dans la douleur et le traumatisme, pour l'une la rancoeur d'un accident qui la laisse boiteuse à vie, et pour l'autre le poids de la culpabilité de la disparition de la soeur jumelle. Tous deux grandissent avec leurs fardeaux et extériorisent le mal qui pourrit en eux par l'anorexie pour Alice et par l'autoscarification pour Mattia. Ils trouvent refuge pour l'un dans le monde complexe des chiffres et des mathématiques, et pour l'autre dans la photographie. Ce sont deux êtres fragiles et délicats, complexes et poétiques, broyés et presque résignés, c'est l'histoire aussi d'une amitié ambigüe et de deux êtres à qui on n'a pas remis le mode d'emploi d'une vie facile et légère.
Bon en gros ce n'est pas la fête du slip de l'optimisme et de la résilience ce bouquin.
Mon gros problème à moi, c'est que j'ai un énorme souci d'empathie avec des protagonistes sombres et peu enclins à de la positivité, tous ces personnages immobiles et passifs dans leur souffrance pour moi c'est un peu énervant. Et ça m'énerve que ça m'énerve, j'aimerais pouvoir me détacher totalement, faire abstraction mais à chaque fois c'est plus fort que moi, j'ai du mal avec les héros torturés et sans trop d'espoir. Mattia et Alice ne sont pas non plus comme Mathilde et Thibault des "Heures souterraines" , ce qui est déjà un peu mieux car rappelle toi que j'ai souffert avec ce bouquin de Delphine De Vigan.
Cependant, malgré mon côté Sergent Major et labrador heureux qui compromet mon empathie et mon confort pendant ce genre de lecture, je dois avouer que c'est divinement écrit, sans effort de style, efficace, redoutablement efficace, lumineux et terrible à la fois.
Paolo Giordano est devenu à 26 ans le plus jeune lauréat du prix Strega en 2008 (équivalent italien du Goncourt), un véritable phénomène éditorial en Italie où il a dépassé le million d'exemplaires quand même, et la population italienne étant de 60,4 m° d'habitants à peu près, c'est 1 personne/60 qui a lu ce bouquin, ce qui est plutôt honorable... Physicien dans la vraie vie, quand son héros Mattia veut faire "un mémoire sur les zéros de la fonction zêta de Riemman", Paolo Giordano sait de quoi il parle, mais il casse le mythe (qui n'appartient certainement qu'à ma mythologie à moi) du physicien au coeur pragmatique et hostile à la poésie et à la magie, car oui ce roman est aussi un roman poétique et magique.
Bien à toi mon très cher lecteur de l'ombre.
PS: En septembre 2010 la version grand écran est sortie en Italie, la Bande annonce est en italien, ce qui fait que j'ai juste compris les prénoms mais bon, quand même voilà tu ne pourras pas dire que j'ai oublié de te mentionner le film.
REPS: ou comment te donner une idée pour passer du bon temps... En cherchant à quoi peut ressembler une application de la fonction de Zêta de Riemman, celle du mémoire de Mattia, je suis tombée sur ce forum de petits génis en mathématiques, c'est encore presque plus drôle que les forums de femmes enceintes (où pourtant il y a souvent matière à beaucoup ricaner, tellement tu lis des trucs d'un niveau extraterrestrien d'idiotie) (parenthèse méchante close).
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