Bienvenue en Corée du Nord, grosse destination de rêve.
Après Shenzhen, Guy Delisle réitère en format
"bd-carnet de voyage" avec le pays le plus fermé au monde, où il est à nouveau envoyé en 2003 pour son travail en tant que superviseur de studios d'animations. Dans sa valise il
emmène un livre, "1984" de Georges Orwell, livre extrêmement de circonstance pour ce pays victime du totalitarisme et de la paranoïa.
(Très) petit tour d'horizon de Pyongyang, enfin de ce que l'on peut en voir:
Ici les restaurants sont toujours vides, ce qui est pratique t'as pas besoin de réserver. Aussi les Nord-Coréens aiment faire du sport en groupe, ce qui est très
convivial...
Dans ce pays on est plus que préparé à la guerre, (4ème armée du monde), car l'ennemi est partout, l'ennemi en chef étant les nord- américains, mais plus amplement les
capitalistes ou autres impérialistes. Le métro fait aussi office de refuge nucléaire, ce qui est bien normal quand on se sait autant d'ennemis et prédateurs, le sol est en marbre, l'illumination
est impressionnante, c'est genre un mélange de Versailles et de Las Vegas. Par contre on ne sait pas si toutes les stations sont identiques puisque les étrangers ne peuvent visiter que deux
stations. Ah et d'ailleurs l'étranger est sommé de se déplacer en présence d'un guide-traducteur qui contrôle les visites, car il ne faudrait pas que l'on voit ce visage, ce vrai visage de la
Corée du Nord, celui aussi de la famine et de la misère la plus absolue.
On reste perplexe et terrifiée quand on lit cette BD, car si l'on sait que ce pays n'est pas Ibiza ou Mykonos, on apprend encore plus de la face visible d'une face cachée d'un pays où le culte de
la personnalité n'a pas d'antécédents, où le mot dissidence n'a pas de résonnance...
La visite de l'auteur au "musée de l'occupation impérialiste" en dit long sur l'effet de propagande, de manipulation et de paranoïa. On y voit entre autres des peintures à l'huile
évoquant la cruauté des nord-américains faisant boire du pétrole aux enfants nord-coréens, clouant des messages anti impérialistes dans les yeux de leur auteurs, ou comment Kim Il Sung tel David
Copperfield arrive à déplacer le bourreau vers l'occident, et faire comprendre à son peuple que grâce à lui ils sont bien au chaud, à l'abri des démons impérialistes et
capitalistes...
Guy Delisle nous livre avec son humour à la fois bienveillant et intelligent, un témoignage de la réalité d'un pays ermite absolument surréaliste, un mauvais scénario de science
fiction, qui dépasse l'imaginable et l'entendement, d'un peuple otage de la mégalomanie d'un président éternel, Kim IL Sung et de son actuel représentant, son fils, Kim Jong lL, qui ont
tout deux un goût évident pour les coupes à la Bart Simpson- laque Elnett.
PS: Je te fais une confidence juste pour toi cher lecteur de l'ombre. Chaque fois que je lis une BD, une BD de qualité comme celle-ci, j'ai un pincement au coeur, dans cette partie de mon
corps où j'ai fait le deuil de talents ou de qualités qui ne sont et ne seront jamais miennes. Entre autre savoir dessiner. Je trouve que le dessin est un pouvoir, une arme redoutable, qui
se déguise plus facilement sous des traits apparemment plus cléments que l'écriture, mais qui a une puissance presque supérieure. M'énerve de pas savoir dessiner.
Je dessine comme un vieil alcoolique atteint de parkinson en descente de coc'. Même mon chien dessine mieux. Je crois.