C'est le genre de bouquin que j'aurais aimé écrire.
Je suis un peu jalouse.
Mais en même temps il y a un sacré malade mental derrière ce bouquin, que je vois bien se réveiller de temps à autre dans des draps de motel insalubre
avec trois filles qui ont toutes des seins qui regardent Dieu, l'atmosphère chargée de whisky bon marché, de drogues synthétiques, de mégots de cigarettes qui font des pyramides sur une
moquette qui n'est plus toute jeune. Alors que moi je suis une respectueuse mère de famille qui achète son Elle tous les vendredi matin, déteste le vernis écaillé sur les ongles, qui a
toujours du doliprane dans son sac à main, qui sait repérer les codes promo chez Vert Baudet, et qui tient la porte aux gens et dit toujours aux commerçants "passez une très bonne
journée" avec des dents qu'elle entretient fréquemment chez le dentiste. Alors...
Dans ce ciel bas, si bas que tu crois qu'il va se casser la gueule d'un moment à l'autre, je viens te présenter un OVNI. Je suis fan.
Laisse moi avant te mettre en musique avec Robert Rodriguez et son groupe Chingon, que quand je lisais ce bouquin j'arrêtais pas de penser à la musique
de Robert Rodriguez, et pour cause.
Voilà un paquet de temps que je te parle de ce bouquin, que les éditions Sonatine comme d'hab'ont eu le
flair avant les autres pour mettre la main dessus. J'en avais entendu parler par le biais d' un mec qui avait un blog qui s'intitulait "La mouche dans la soupe" et qui avait une bien
jolie plume ce con, mais qu'il a décidé de disparaître de la blogosphère, et que du coup je peux même pas te linker la source de mon envie de lire ce bouquin. J'ai attendu comme presque
toujours à mon habitude sa version poche, juste parce si je devais acheter mes livres en non format poche, financièrement je devrais probablement considérer à me prostituer.
Petit résumé de l'histoire, s'il est possible de la résumer:
Dans une ville oubliée de tous, poussiéreuse à souhait, une ville où brûle un soleil sans vergogne, quelque part en Amérique Latine,
Santa Mondega, une ville de western, une ville où on a la gâchette facile, où le crime est monnaie courante, une ville, "capitale mondiale des créatures du mal". Il y
a ce bar le Tapioca où on vient se réapprovisionner en infernales gueules de bois. Ce bar a été la scène d'une terrible tuerie il y a 5 ans, seul le barman Sanchez s'en est tiré, le massacre
est signé "le bourbon kid", un tueur en série qui dès qu'il boit un verre de bourbon se transforme en gigantesque machine à tuer. On se rappelle encore l'odeur de sang et de supplice dans cette
ville où pourtant on côtoie la mort au quotidien, et je peux te dire qu'on déconne pas et plutôt on frémit au souvenir de la tuerie du Bourbon Kid. La nuit de la fête de la Lune approche, et on
sait que la fameuse Pierre de la Lune ne doit pas tomber entre de mauvaises mains. Il y a aussi ce bouquin que si on le lit on termine massacré atrocement. Le danger
gronde, on sait qu'il est imminent, la tension est grande dans cette ville où pourtant la mort règne en maître...
Un bien grand mystère se cache derrière l'identité de l'auteur, les rumeurs les plus folles se baladent, on dit que cela pourrait être Tarantino mais
aussi le Prince Charles (rires)... En tout cas seuls son agent et éditeur britaniques connaissent l'identité de cet auteur à qui les maisons d'édition ont fait la fine bouche, du coup il a
du s'auto-publier sur internet. Le premier mois il a vendu 34 exemplaires de son "Book with no name" (je suis fan du titre original), puis un bouche à oreille efficace a été par la suite à
l'origine de ce succès fulgurant, un succès international dont l'auteur lui même s'étonne, les droits d'auteurs de ce bouquin ont été achetés par le producteur de Tueurs Nés et Transformers. Et
l'auteur a donné suite aux aventures du Bourbon Kid avec deux autres bouquins.
Inclassable, ce livre est inclassable. (Inclassable, c'est un mot que j'aime bien, un mot sans rondeur, envahissant, mais qui implique au moins de
laisser une trace dans la mémoire).
Disons que si on devait mettre tous les ingrédients du livre dans un shaker, ce seraient les suivants: déjà une bonne et sacrée dose de whisky, de bière
et aussi de bourbon, des tueurs à gage patibulaires, des mecs avec de la rocaille dans la voix, des mecs avec une "voix sur laquelle on n'aimerait jamais mettre un
visage" , que du personnage parfaitement infréquentable, du western, de la science fiction-fantaisie, des bonasses dont une qui revient d'un coma de 5 ans, un serial
killer bien barré, des flics acharnés, des moines-karaté kid, des vampires, des loups garous, ah et tiens pourquoi pas des épouvantails qui te font ta fête à minuit... Voici donc un livre qui ne
rentre dans aucune case, ma définition serait un pastiche de thriller gore terriblement hilarant. Il y a ouais du Tarantino dans ce talent, mais surtout du Robert Rodriguez je dirai, un petit peu
de John Carpenter aussi, enfin en tout cas il y a un talent de malade mental encore, qui rit de la mort et la tourne en ridicule, c'est le gore et l'humour qui priment dans ce livre et le
rythment, le tout joyeusement agrémenté de pleins de références télé, ciné, musique, délicieuses.
Je te balance quelques extraits:
""-... tu te prends pour un gros dur, toi ?
- je ne suis pas un gros dur.
- Alors ramasse ta cape et casse toi d'ici."
L'ordre est assez peu pertinent l'inconnu n'avait pas enlevé sa cape."
" Marcus la fouine avait encore la gueule de bois... en temps normal, il n'aurait jamais gaspillé son précieux Rohypnol pour quelqu'un avec qui il
n'avait pas l'intention de coucher, mais Jefe portait au cou une superbe pierre précieuse bleue."
Sinon voici quelques petites descriptions de cadavres qu'on trouve en chemin:
" Sa langue, bien qu'elle ait été coupée en deux, n'avait pas été arrachée non plus. Son estomac avait été grand ouvert et, selon l'un des membres
de l'équipe scientifique déjà présente, on avait traîné Marcus la Fouine par les boyaux dans une bonne partie de la chambre. Plusieurs clients de l'hôtel avait dit avoir entendu plusieurs coups
de feu. Cela expliquerait les deux genoux éclatés, mais l'on avait toujours pas retrouvé la moindre douille."
Mais attends j'ai mieux encore comme exemple:
" L'homme avait été littéralement fixé à l'aide d'un arsenal de petits couteaux. Certains transperçaient ses mains, d'autres ses pieds et deux
autres sa poitrine. On en avait enfoncé un dans sa gorge, deux, assez vicieusement, dans ses orbites et, apparemment, un autre dans son entrejambe. Aïe, putain! Il était assez difficile de
s'imaginer à quoi avait bien pu ressembler cet homme de son vivant, vu son état présent. Sa peau était comme vernie de sang, et ses vêtements avaient été réduits en lambeaux. Jefe avait
l'impression qu'il avait été écorché par une meute de bêtes sauvages avant d'être mis ainsi à sécher."
Et celle là qui plante bien l'atmosphère de Santa Mondega:
"Première leçon: à Santa Mondega, quand quelqu'un tient des propos un peu délirants, il y a fort à parier que c'est vrai."
Allez mon très cher lecteur de l'ombre, je te laisse je dois allez m'acheter un rouge à lèvres de catin. Prends bien soin de toi.